Le vin, le web et la vente de proximité – une (re)naissance


Combien de fois sur le terrain n’ai-je pas entendu de la part d’un certain nombre de vignerons qu’une présence en ligne ou un bon site web étaient anecdotiques, qu’ils n’en avaient pas besoin, que c’était un truc de jeunes… Ne parlons même pas d’une boutique en ligne.

Déjà avant cette crise je trouvais cela dommage. Face à un marché très fluctuant et des clients de moins en moins fidèles, avoir une belle présence web semblait indispensable. Car : n’ayant pas toujours la chance de pouvoir aller sur place, de plus en plus de consommateurs (et même de pros !) se renseignent en ligne pour trouver des informations sur leurs vignerons et vins préférés, ou pour en dénicher d’autres.

Découvrir la vie du vigneron – à la vigne, en cave, en famille – est un storytelling bien plus puissant que toute note technique de dégustation qui in fine sert plus le pro que le consommateur (ce dernier est souvent plutôt intimidé par la déferlante de termes plus ou moins techniques).

Peut-être faut-il rappeler que le vin fait partie des produits alimentaires ayant encore une vraie saisonnalité, gardant l’empreinte indélébile et unique d’une année précise combinée au savoir-faire de l’homme. Et que de tels produits saisonniers sont devenus une rareté !

Simplement : souvent le vigneron, travailleur agricole, n’a pas conscience à quel point sa vie, le travail avec les saisons et son vin s’associent et se valorisent mutuellement. Cultiver la terre et faire du vin sont deux activités à la fois élémentaires et magiques, et le vigneron, pour peu qu’il aime ce qu’il fait, est un magicien de l’élémentaire.

Alors, faire l’ours solitaire et silencieux dans sa vigne ou dans sa cave est certes parfois nécessaire, mais embrasser les avantages qu’offrent les outils modernes de communication l’est tout autant.

La crise actuelle et ses chiffres le confirment d’ailleurs : ceux qui n’ont aucune visibilité en ligne se retrouvent malheureusement très pénalisés, et encore plus s’ils ne peuvent ni faire de la vente, ni proposer un service de livraison à domicile en région. L’article (ici) illustre fort bien à quel point ces deux derniers points sont stratégiques.

Mais : il n’est (presque) jamais trop tard pour s’y mettre. Je parie que d’ici la fin de l’année même les moins geek des vignerons y auront réfléchi. En attendant, il y a de superbes initiatives comme celle-ci qui permettent au vigneron d’avoir au moins un minimum de revenus et au consommateur de dénicher de bonnes bouteilles sans prendre des risques inutiles.

Les appellations auront aussi un rôle à jouer car, à défaut que chaque vigneron ait son site web, l’appellation peut lui servir de vitrine. Je cite au hasard l’AOP Gigondas qui dispose d’une superbe maison des vins, un modèle en son genre qui m’enthousiasme à chaque passage. Ils ont aussi une très belle boutique en ligne, offrant non seulement l’envoi de la commande mais également un service de livraison. Exemplaire et certainement une inspiration pour ceux et celles qui voudraient s’y mettre !

Un autre point qui en découle est l’importance du développement d’un réseau de vente régional. Si les exports tout comme le marché intérieur sont en chute libre, les ventes de proximité, avec ou sans livraison à domicile, sont en train d’exploser. Et une fois que le commerce pourra reprendre, celui qui repartira en premier sera le marché intérieur. Toutes ces appellations et structures viticoles qui ont fait de l’export leur modèle de réussite, vont probablement devoir revoir leur stratégie : miser à plus de 50% sur les marchés étrangers montre avec la crise actuelle brutalement ses limites. Et ceci sans même prendre en considération que si certains vins peuvent vieillir et être commercialisés plus tardivement, d’autres, comme le rosé évanescent par exemple, se retrouvent dans une impasse, avec des conséquences très compliquées pour la filière…

Toutefois, le développement d’un réseaux de vente régional n’est pas forcément chose aisée. Le passé a montré que même si les vignerons essayaient de le mettre en place, nombreux étaient les restaurateurs et commerçants qui ne jouaient pas le jeu. Il suffit de se promener en région pour le constater : trouver des endroits qui mettent à l’honneur les producteurs du coin reste une entreprise difficile.

Or, les restaurants et commerçants qui le faisaient avaient en général beaucoup de succès auprès des clients, qu’ils soient locaux ou vacanciers. Après tout, la valorisation de la richesse régionale est un vrai atout, un argument de vente, une singularité qui distingue un endroit d’un autre. Trouver ailleurs la même chose que chez soi, ou sur chaque carte des restaurants les mêmes vins, incarne pour moi la quintessence de l’ennui.

A la sortie de la crise il y a fort à parier que bien plus nombreux seront celles et ceux qui achèteront et voyageront plus local qu’auparavant, et ce non seulement parce qu’ils auront moins de moyens financiers, mais aussi parce qu’ils auront pris goût à explorer ce qui est bon et beau à côté de chez eux. Les restaurateurs et commerçants auront donc tout intérêt à se diversifier et inclure d’avantage de produits locaux dans leur offre.

Les tendances actuelles font naître l’espoir que toute cette malheureuse expérience aura peut-être au moins deux conséquences positives : celle d’une révolution numérique accélérée du monde viticole tout comme celle d’une remise en valeur et appréciation de la richesse agriculturale et culturelle que ce magnifique pays a à offrir.

Cheers !

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