Willi’s Wine Bar – The swinging Basset


Il y a souvent de belles adresses qui dorment sous notre nez. On en a souvent entendu parler, on est passé devant mille fois, mais jamais on n’y est encore entré. Le Willi’s Wine Bar, fameux spot du très british champagne-drinking swinging Basset, chien hédoniste tout droit sorti de l’imaginaire de Mark Williamson, est de ceux-là. En tout cas, pour moi.

Pour franchir sa porte, il m’a fallu la compagnie d’une copine curieuse de vin et une soif de découverte du quartier du Palais Royal que je pensais pourtant bien connaître. Que nenni. J’ai découvert un endroit qui vaut vraiment le détour et auquel j’aurais dû mettre les pieds dès mon arrivée à Paris en 1992. Pour vous éviter la même déconvenue, voilà tout ce qu’il faut savoir sur ce lieu qui sait conjuguer vins originaux et cuisine savoureuse.

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Car Willi’s Wine Bar n’est pas seulement un très joli bar à vins avec un admirable vieux zinc et une sélection originale, mais aussi un restaurant à ambiance bistrot où on mange fort bien. On peut même y trouver des vins à emporter.

Mais tout d’abord, qui est son propriétaire, Mister Mark Williamson ? Sujet de sa majesté HRH Reine d’Angleterre, né dans le comté du Buckinghamshire au nord-ouest de Londres surtout connu pour sa population pakistanaise et Windsor Castle. Gerrards Cross, village de son enfance, est entouré de champs et de forêts. Non loin se trouvent les fameux Pinewood Studios, où siège également la société de production de l’espion le plus sexy sur terre : James Bond.

Il aurait pu y mener une enfance protégée, mais quand Mark a tout juste 4 ans, son père décide de tout plaquer et d’emmener sa femme et ses trois enfants en Afrique du Sud (qui faisait à cette époque partie du Commonwealth), à Johannesburg, recommencer une nouvelle vie. L’aventure d’une nouvelle culture lui forge dès tout petit une belle ouverture d’esprit et une profonde aversion contre tout ce qui s’apparente, de près ou de loin, à l’apartheid. Y compris dans le domaine du vin.

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À l’âge de 14 ans, les instabilités politiques, les injustices sociales et l’emprisonnement de Nelson Mandela motivent Mark et sa famille, avec beaucoup de regrets, à retourner en Angleterre. De sa scolarité au Royaume Uni, les meilleurs souvenirs restent les heures passées sur l’eau, à faire de l’aviron.

Et le vin dans tout cela ? Il le découvre en famille. Ses parents aiment le vin et le font goûter à leurs enfants dès tout petit. Son grand-père, fan de Mosel et de vins plutôt rares, ramenait toujours des bouteilles inconnues à la maison. Son oncle était ouvert aux vins du monde entier, et son père partait à la découverte des vins sud-africains. Le tout enrobée d’une belle cuisine qui y tenait une place centrale.

Son diplôme scolaire en poche et très à l’aise dans l’univers sensoriel, Mark décide de devenir chef et commence sa formation. Pendant 2 ans, il est apprenti au luxueux Connaught Hôtel (5 étoiles) en plein quartier Mayfair de Londres. Mais l’envie de bouger et de découvrir d’autres horizons le tenaille, et dirige ses pas vers Paris où il continue sa formation dans divers établissements (hôtels, restaurants, cantines, et même night-clubs !). Ces années d’apprentissage l’approchent du vin, une des pièces maîtresses d’une table parfaite.

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Il quitte le monde des fourneaux quand Steven Spurrier lui propose de travailler avec lui, aux Caves de la Madeleine. Steven venait tout juste d’organiser (en 1976) la fameuse dégustation de vins californiens versus vins français. Pendant cette dégustation à l’aveugle, réunissant les plus grands experts et dégustateurs de l’époque, deux vins californiens damnèrent le pion à la France, remportant la première place. Surprise générale, puis fait considéré comme crime de lèse-majesté, cette dégustation fût surnommée « Le Jugement de Paris » et est restée depuis gravée dans la mémoire comme offense ultime à la culture millénaire française (les californiens aux contraire étaient évidemment fort ravis). Cette histoire a tellement fait de vagues, qu’elle fût une première fois adaptée au cinéma (2008, Bottle Shock). Il se trouve qu’une deuxième adaptation est en plein tournage dans les Studios de Luc Besson. La sortie est prévue pour 2016, pile poil pour le 40ème anniversaire de l’événement. Préparez-vous !

Mark a donc travaillé avec Steven pendant 3 ans, entre 1976 et 1979, et ce fût un temps riche en expériences, pendant lequel est né son désir de se lancer à son propre compte.

Nous sommes en 1980. Mark a 26 ans. À la recherche d’un lieu à la mesure de son rêve, ses pas le mènent entre-autres du côté du Palais Royal. Le 13 Rue des Petits Champs est occupé par un gay-club nommé Chez Bernard (sous-titré « gay et sympa, les filles de sexe féminin sont exclus »). En prise avec la brigade des moeurs pour proxénétisme et meurtre, Bernard est dans l’urgence d’un départ, mais personne ne veut acquérir un endroit à la réputation aussi douteuse. La propriétaire des lieux, Georgette Anys née en 1909, actrice presque à la retraite, ne souhaite pas s’encombrer avec la justice et les problèmes de Bernard. Mark tombe à pic pour reprendre les lieux.

Quand il montre l’endroit à un des investisseurs français avec lesquels il souhaite collaborer, celui-ci lui répond « Mark, quand tu trouveras quelque chose de fréquentable, appelle-moi ». Il décide alors de monter l’affaire en famille et avec les amis. Ils achètent le lieu et le transforment en bar à vin. Avec peu de concurrence à Paris à cette époque, Willi’s Wine Bar devient vite incontournable et très couru.

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Il y a eu bien des hauts et des bas, mais l’époque des années 80 (jusqu’à la guerre du Golf en 1992) était une époque intense et très vivante. Tout était ouvert tard, les restaurants remplis même à 2h du matin, et la vie nocturne battait son plein. L’Internet n’existait pas encore et il suffisait d’un article élogieux dans la presse papier pour remplir un lieu pendant des mois. Aujourd’hui, ce temps est révolu. La ville de Paris est partie en guerre contre la vie nocturne et Internet a raccourci considérablement l’espérance de vie d’une recommandation journalistique.

Cependant, avec son approche du vin décomplexée et jeune, le concept de Mark plaisait et continue à plaire, lui assurant un succès dans la durée. La preuve, même 35 ans plus tard le Willi’s Wine Bar se porte bien.

Une partie de sa réussite est certainement dû à sa personnalité, ouverte et chaleureuse, avec un humour british délicieux et un accent adorable. Plutôt discret sur sa vie et sa personne, il ne se met jamais en avant et préfère que le cœur du bar pulse avec ses clients et son équipe.

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La clientèle est depuis toujours très internationale. À midi, beaucoup de gens du quartier y viennent déjeuner. Le soir, elle est plus variée et vient des quatre coins du monde. L’ambiance est détendue. Pour Mark le plus important dans la dégustation sont le plaisir et la simplicité. Il considère le vin comme un « ciment social », celui qui permet de relier les personnes de tout horizon.

Farouchement opposé à toute forme de ségrégation, son choix de vin est éclectique et juste. Des bouteilles rares (mais pas hors de prix) côtoient des références plus communes, afin de permettre à chacun d’y trouver son bonheur. Il préfère dénicher ces trésors tout seul au lieu de se remettre aux agents. Alors on trouve chez lui une belle sélection de tout horizon, de pays divers et de toute catégorie. La carte des vins au verre change régulièrement, permettant de s’aventurer hors des sentiers battus à des prix raisonnables. De plus, tous les vins se vendent à emporter. Very good idea !

Côté cuisine, son Chef est François Yon. D’origine franco-italienne, il travaille avec Mark depuis 1988. Ça en fait une sacrée trotte. La cuisine est savoureuse et simple, avec des produits frais de saison du marché, tout en s’associant à merveille aux vins. J’y ai goûté, entre autres, le meilleur croque jamais mangé à Paris (référencé avec beaucoup d’humour sous « shocking croques » sur le menu). Comme quoi, tout est possible !

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Curieux de nature, Mark est aussi intéressé par l’art et crée très régulièrement des affiches en collaboration avec des artistes de tout horizon. La toute première, éditée en 1983, reprend un magnifique dessin réalisé en 1935 par A.M. Cassandre (artiste décédé en 1968). Ceci fût possible grâce à Alain Weill, à cette époque conservateur-directeur du Musée de l’Affiche. Depuis, 20 collaborations graphiques ont vu le jour incluant des artistes comme Jean-Charles de Castelbajac, Alberto Bali ou encore Jonas Bergstrand. Vous pourriez tous les admirer sur place, et qui sait, peut-être en rapporter une chez vous.

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Comme si tout cela n’était pas déjà beaucoup de travail, Mark rachète le local voisin et y installe un restaurant un peu plus gastronomique, le Macéo. Il débauche Ricardo Lorenzo, 36 ans, ancien second de la Tour d’Argent. Mark me précise « Il sait vraiment très bien préparer le canard ! ». Sa cuisine est un peu plus sophistiquée, tout en restant savoureuse. Le décor dépouillé met pleinement en valeur les plafonds magnifiquement sculptés, qui rappellent la riche histoire de cet endroit. Effectivement, bordel de luxe jusqu’à la Révolution Française, situé idéalement juste à côté du Palais Royal, l’endroit à ensuite successivement hébergé un café théâtre, la cantine des troupes américaines stationnées à Paris, un restaurant italien, l’appartement d’une cantatrice, et j’en passe.

Bref, Willi’s Wine Bar n’est pas simplement un bar à vin et restaurant, mais un condensé d’histoires. Allez-y entre amis, le lieu s’y prête. Et en choix de vin, si jamais vous vous sentez perdus, n’hésitez pas à demander conseil à l’équipe. Souriante et compétente, elle saura vous répondre. Ce qui est loin d’être le cas dans tous les bars à vins à Paris.

Cheers !

PS : il n’existe qu’un seul original de Willi’s Wine Bar sur terre, et il est au 13 rue des Petits Champs à Paris. Des imitateurs en ont créés ailleurs, notamment à Londres, mais n’arrivent pas à la cheville de l’original. Évitez les contrefaçons !


INFORMATIONS PRATIQUES

WILLI’S WINE BAR

13 rue des Petits Champs

75001 Paris

Mail : mark@williswinebar.com

Téléphone : 01 42 61 05 09 (mieux vaut réserver)

Horaires

Lundi au samedi 12h – 13h30 / 19h – 23h

Fermé le dimanche

Comptez par personne 24 – 36€ pour le menu, entre 16-24€ le plat, plus avec le vin

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MACÉO

15 rue des Petits Champs

75001 Paris

Mail : info@maceorestaurant.com

Téléphone : 01 42 97 53 85

Horaires

Lundi au vendredi 12h – 14h30 / 19h30 – 22h45

Samedi 19h30 – 22h45

Fermé le dimanche

Comptez par personne 30 – 40€ pour le menu, 28€ le plat, plus avec le vin

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