67 Pall Mall – What else ?


Janvier 2016. Londres, Saint James’s Park. En route pour découvrir le Wine Club le plus prometteur de la capitale, je m’arrête émerveillée sur le petit pont du parc enjambant un lac peuplé de canards, de mouettes et de cygnes, offrant d’un côté une vue bucolique sur Buckingham Palace, de l’autre sur le vénérable Horse Guard, siège notamment des fameux cuirassiers du régiment de cavalerie de la Maison Royale. Le London Eye dépasse avec désinvolture l’ensemble architectural historique splendide en y ajoutant une touche de modernité, incarnant la roue du temps à merveille.

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Surnommé Clubland, le central district de Saint James’s est un haut lieu des British Gentlemen’s Clubs. Comme dans les romans de Jules Verne, il n’est pas rare d’y croiser un monsieur grisonnant en tenue traditionnelle et chapeau melon, une canne anglaise à la main, disparaissant un peu plus loin derrière une des belles façades qui longent les rues. Cela fleure délicieusement les voyages et aventures de Phileas Fogg.

Fondés à Londres à partir du 17ème siècle, ces clubs remplacent petit à petit les « coffeehouses » populaires où on se retrouve pour parler affaires et commérages tout en prenant sobrement un café, thé ou chocolat chaud. Le mouvement prend de l’ampleur, devenant par la même occasion plus exclusif et réservé aux hommes, pour culminer au 19ème siècle avec plus de 400 établissements, dont la majorité basée à Londres. Aujourd’hui leur nombre a diminué considérablement et bien des endroits mythiques ont mis les clés sous la porte, mais la tradition reste très ancrée dans la société anglaise.

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Le club le plus ancien encore actif est le White’s Gentlemen’s Club, à ne pas confondre avec le club de pôle dance éponyme, fondé en 1693 par l’italien Francesco Bianco (qui changea son nom pour Francis White). Ce qui a commencé sous forme d’un empire de chocolat chaud, thé et café s’est mué en à peine un siècle en quartier général officieux du Tory et de l’aristocratie. C’est également le club le plus en vue et de ce fait aussi le plus inaccessible. Il semblerait qu’il faut y être sur liste d’attente avant même d’être né (ça me rappelle les crèches parisiennes, c’est pareil, avec le prestige en moins…).

Une version plus moderne et accessible des Gentlemen’s Clubs a vu le jour au début du 20ème siècle. Ces Private Clubs sont souvent moins strictes, permettant notamment aux femmes d’être membres à part entière. Il va sans dire que cette (r)évolution n’est pas au goût de tous, mais a l’avantage de donner des sujets de conversation intéressants et controversés, un des passe-temps historiquement favoris des club members.

Le dernier né dans la lignée est le 67 Pall Mall, entièrement dédié au vin. La façade sobre et stylé de l’immeuble Grade II (monument historique), réalisé par l’architecte britannique Sir Edwin Landseer Lutyens surtout connu pour avoir participé à la transformation de New Dehli (Inde), ne laisse pas deviner qu’en son cœur il accueille un temple pour hédonistes de tout horizon. D’abord construit en tant que siège pour la banque Hambros en 1931, la reconversion de l’édifice peut paraître étonnante, mais permet tout simplement de passer d’un trésor éphémère à un autre. D’ailleurs, la pièce coffre-fort Chatwood du sous-sol, réputée inviolable malgré son âge respectable (mieux vaut percer sa carapace que de s’attaquer à la complexité du mécanisme de sa porte), accueille maintenant les vins les plus précieux, du type le Screaming Eagle observant du haut de Latour le Mouton qui paisse paisiblement dans son Clos Vougeot.

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Ouvert depuis seulement fin 2015 après presque 2 ans de travaux, le club est en train de devenir un des endroits les plus hype de la capitale britannique, réunissant 1450 amateurs et professionnels de tout horizon et nationalité. Force est de constater que Grant Ashton, fondateur du 67 Pall Mall, a du flair. L’idée de sa reconversion professionnelle est née d’un constat simple : celui des prix prohibitifs des vins en gastronomie, un fléau connu de tous les amoureux de bonnes quilles. Son ambition était alors de créer, ensemble avec une trentaine d’autres investisseurs, un lieu où la passion du vin pourra se partager sans se ruiner au passage.

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Quelque peu impressionnée je pousse la grande porte d’entrée en bois clair, s’ouvrant sur l’antichambre. On n’entre pas tous les jours dans une telle institution. Bienvenu au 67 Pall Mall. Son cœur bat autour d’une belle pièce à taille humaine, emplie d’une atmosphère calme, classe et chaleureuse, décorée par l’architecte d’intérieur Simone McEwan. Il a réussi d’allier modernité et classicisme tout en gardant certains des très beaux éléments de décoration préexistants. Un wingchair en cuir chocolat invite de s’y lover et ce qui suit sera la preuve que le meilleur petit déjeuner n’est ni allemand ni français, mais anglais.

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Quel délice ! J’ai tout mangé…

Le très sympathique chef néozélandais Marcus Verberne prépare des merveilles délicieusement savoureuses et pas snob du tout, une cuisine accessible plein de bon sens qui n’a rien à envier à celle d’outre-manche. Scoop : la gastronomie a traversé la Manche et n’est plus uniquement l’apanage du vieux continent. Marvellous !

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Markus Verberne (chef à croquer) & Niels Sherry (general manager qui a de la bouteille)

Mais le plus impressionnant sont les 5000 références en cave, dont 500 au verre grâce à la technologie Coravin. Il y a de quoi partir en explorateur et faire le tour du monde. La diversité est telle que l’on y trouve aussi bien une pépite méconnue de Santa Monica qu’un grand cru Allemand, l’incontournable Bourgogne ou un Shiraz typique de l’Australie. Ronan Sayburn MS (Master Sommelier), ancien élève de Gérard Basset, veille au grain avec talent et des moyens qui font certainement des jaloux dans la profession.

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De plus, il y a pléthore de services et offres, orientés pour faciliter la vie des membres et des professionnels. Cela se matérialise notamment depuis l’ouverture en toute une série de Masterclasses dont on ne peut que rêver dans l’Hexagone.

Mais le plus important est que c’est un endroit où on aime musarder des après-midis entiers (ou matins, ou soirs, selon) pour goûter la carte des vins en long, large et en travers. J’ai testé (matin, midi et soir !), le verdict est sans appel : 100/100. Le seul hic : il faut être membre ou accompagné d’un membre pour y aller. Alors à vos carnets d’adresses pour dégoter le sésame qui vous ouvrira les portes du graal. Cela vaut sincèrement le détour.

Cheers !

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